Le Conseil constitutionnel valide en partie la loi de programmation de la justice, par Maître PIETROIS CHABASSIER
Saisi par quatre recours parlementaires, le Conseil constitutionnel a rendu une décision attendue le 21 mars 2019 (Const. const. 21 mars 2019, décis. n°2019-778 DC) sur la loi de programmation et de réforme pour la justice, validant l'essentiel des dispositions civiles et retoquant le projet de loi sur des dispositions du volet pénal.
Le Conseil constitutionnel a validé dans sa majorité la loi de programmation, notamment les mesures les plus emblématiques, à l'exception d'une dispositions concernant la révision des pensions alimentaires, finalement censurée.
Révision des contributions à l'entretien et à l'éducation des enfants par la CAF
L'article 7 du projet de loi entendait charger la caisse d'allocations familiales de réviser, de manière expérimentale pendant trois ans, les pensions alimentaires qui auraient été fixées par un juge. Cette disposition a été considérée comme dangereuse, les caisses étant des personnes privées en charge d'une mission de service public qui auraient alors eu compétence pour réviser le montant des contributions à l'entretien et à l'éducation des enfants, tout en ayant également le rôle, par application du code de la sécurité sociale, de verser l'allocation de soutien familial en cas de défaillance du parent devant verser la contribution. Les caisses auraient ainsi pu être intéressées par le montant des contributions. En dotant les caisses du pouvoir de modifier des décisions judiciaires, le législateur a omis de l'assortir des garanties nécessaires et suffisantes par rapport au principe d'impartialité, justifiant la censure décidée.
La fusion des tribunaux d'instance et de grande instance
Le Conseil a validé les dispositions prévoyant l'absorption par un Tribunal judiciaire des tribunaux d'instance et de grande instance dans un objectif de bonne administration de la justice.
Est créée la fonction de juge des contentieux de la protection, reprenant peu ou prou les fonctions du juge d'instance, à l'exception des litiges civils (pour des sommes en jeu de moins de 10 000 Euros) et du contentieux des injonctions de payer (confié à une juridiction spécialisée).
Le contentieux des injonctions de payer
Objet de vives contestations de la part des avocats, une nouvelle juridiction nationale est en effet créée pour connaître de manière dématérialisée les injonctions de payer. Si le juge "l'estime nécessaire" et que les parties en font la demande, l'affaire pourra être entendue en audience. Cette disposition marque un recul pour les consommateurs qui se voient mis à l'écart du juge, dans un contexte où ce dernier constitue un véritable rempart contre les établissements de crédits qui utilisent cette procédure afin de recouvrer leur créance à l'égard des particuliers.
La phase amiable des litiges
Le Conseil constitutionnel a validé l'article 3 de la loi déferrée tout en émettant une réserve d'interprétation. En effet, dans un objectif de bonne administration de la justice en réduisant le nombre des litiges soumis au juge, le législateur conditionne la recevabilité d'une action à une tentative obligatoire de régler amiablement le litige, sauf en cas de "motif légitime", comme par exemple en cas "d'indisponibilité du conciliateur de justice" dans un "délai raisonnable", auquel cas le justiciable pourra saisir le juridiction. Il appartiendra donc au pouvoir réglementaire de définir ces notions de "motif légitime" et de "délai raisonnable".
Refus du profilage
Le Conseil a validé dans sa majorité le principe de publicité des décisions judiciaires avec la réserve suivante : les données d'identité des magistrats et greffiers figurant sur les décisions ne pourront être utilisées en vue d'être compilées et analysées. Le Conseil entend interdire le recours au profilage des professionnels de justice à partir des décisions rendues, et ce afin de prévenir d'éventuelles pressions ou des stratégies de choix de juridiction de nature à altérer le fonctionnement de la justice.
Publicité des débats
Pour la première fois, le Conseil a déduit des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme le principe de la publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives, à charge pour le législateur de créer des limitations ne portant pas d'atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi par le texte.
Le Conseil censure cependant une partie de l'article 33 de la loi visant à interdire la communication à des tiers de l'intégralité du jugement lorsque les débats ont eu lieu en chambre du conseil, jugeant que le caractère général et obligatoire de cette restriction porte atteinte à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme.
Le Conseil statue sur le volet pénal de la loi
(voir l'article sur ce sujet)
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